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Conférence confinée #1 : Dominique Kalifa


Dominique Kalifa, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris I Sorbonne , s'est entretenu avec des 2ndes SMP-SBC et 1ère SIA.


Dominique Kalifa a parlé de sa carrière, débutée en tant que professeur en collège, avant d'enseigner dans diverses universités. Les élèves lui ont demandé les raisons de son choix : n'étant pas très bon en sciences, il a hésité entre plusieurs disciplines littéraires et a fini par opter pour l'histoire, où il avait de meilleurs résultats. Son intérêt pour la littérature a pu s'exprimer ensuite dans ses choix de recherche, où il a utilisé des œuvres littéraires pour comprendre l'esprit, les mentalités de la Belle époque. Il partage son temps entre l'enseignement, la lecture des travaux d'étudiants et d'autres ouvrages, passe du temps dans les bibliothèques et à son bureau pour écrire des articles ou des livres.


Les noms d’époque

Il a dirigé un ouvrage qui vient d'être publié chez Gallimard en janvier 2020, intitulé "les Noms d'époque". Il a donné beaucoup d'exemples de chrononymes pour diverses périodes (MoyenAge, Temps modernes) et diverses aires géographiques (Age d'argent en Russie, Risorgimento en Italie...) expliquant qu'on ne peut décider lesquels vont s'imposer avec le temps, et qu'on ne peut pas non plus décider de ne plus utiliser une appellation qui est rentrée dans le langage commun (exemple du régime de Vichy). Parlera-t-on de "the great lockdown" comme suggéré par un professeur de Harvard pour la période actuelle ? Difficile à dire, car il faut que le temps passe pour savoir quels termes vont s'imposer et quels événements feront date. Certains chrononymes restent nationaux, comme les 30 Glorieuses (allusion à la révolution de 1830, les 3 Glorieuses, référence trop française pour que ça parle à d'autres pays), d'autres voyagent et sont adoptés par d'autres aires géographiques (Belle époque utilisé en français jusqu'au Brésil). La traduction est plus ou moins facile, mais dans l'ensemble, les termes simples (plutôt que savant) et compréhensibles par tous ont le plus de succès. Forcément, ces termes sont réducteurs, ne reflètent pas entièrement la réalité : la Belle époque a initialement décrit l'effervescence au niveau des arts et de la culture, mais c'est aussi une période de fortes tensions sociales, de grèves, de pauvreté d'une partie de la population. De plus, l'image de ces époques peut changer avec le temps, car on ne pose pas les mêmes questions au passé aujourd'hui qu'il y a 30 ou 50 ans, donc l'image qu'on en a va changer. C'est ce qui explique le renouvellement de l'histoire : les questions changent en fonction des centres d'intérêt de chaque société/époque. Par exemple, la question du rôle des femmes dans l'histoire et de leur lutte pour l'émancipation a émergé à partir des années 1960, reflet des combats féministes.


L’épidémie de Coronavirus : une rupture ?

Il pense que l'épidémie de Coronavirus que nous vivons en ce moment va marquer une rupture, mais pas pour les raisons qu'on imagine : ce qui est frappant est le large confinement qui a été imposé alors que les chiffres de mortalité sont au final assez faibles comparé à d'autres épidémies (même si nous ne disposons pas encore de toutes les données). Cela montre une évolution de la perception de la mort de masse, qui n'est plus tolérée dans nos sociétés. Il faudra mener des enquêtes pour savoir comment ce bouleversement a été vécu dans les quartiers pauvres, les cités (qui n'ont plus grand chose à voir avec les Bas-fonds qu'il a étudié).


"Cette conférence a été très enrichissante. Dominique Kalifa nous a apporté des informations qui changent notre perception de certaines époques. Par exemple, la Belle Epoque n'a pas été belle pour tout le monde. De plus, il a relativisé la gravité de l'épidémie de Coronavirus, en nous rappelant que dans le passé, des épidémies ont fait bien plus de mort que maintenant. La réaction drastique des gouvernements à travers le monde dévoile notre rapport à la mort : avant l'épidémie, elle ne faisait plus partie de notre vie quotidienne. Ainsi, étudier le passé permet de décrypter le présent ! L'historien a abordé des thèmes très divers mais tous intéressants, qui m'ont conforté dans mon choix d'étudier l'Histoire plus tard !" Thabile, 1SIA


"J'ai vraiment apprécié cette expérience ! Nous avons vu grâce à Dominique Kalifa un aperçu de ce qu'est le travail d'un historien, ainsi qu'un aspect très différent de l'Histoire : en effet, Dominique Kalifa s'intéresse beaucoup à l'histoire des mentalités. Nous avons par exemple beaucoup parlé des chrononymes : ses explications sur certains chrononymes tels que les 30 Glorieuses ou la Belle époque, puis le lien qu'il a fait avec notre situation actuelle (parlera-t-on d'un "Great Lockdown"?) étaient très intéressants (d'autant plus que c'était un sujet que nous n'avions jamais abordé) et m'ont beaucoup appris.

Cette interview m'a également permis de me mettre dans la peau d'une journaliste. J'ai pu voir qu'en réalité il est assez dur de poser des questions, même préparées à l'avance, car il faut continuellement s'adapter : essayer de trouver de nouvelles questions tout en écoutant pour pouvoir rebondir plus facilement, ou tout simplement "trier" les questions préparées à l'avance pour pouvoir éliminer celles auxquelles une réponse a déjà été donnée.

Cette rencontre a donc été très enrichissante : merci beaucoup, à vous et à Dominique Kalifa !" Judith, 2SMP2

Images : Gallimard


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