Les pouvoirs de la lecture, par Elsa D.
Enfant, je passais des heures à lire. Beaucoup de livres m’ont marquée, m’ont faite rêver et m’échapper de la réalité. Parmi ces livres, il en est un que j’ai lu une demi-douzaine de fois tant il me captivait : Verte, de Marie Desplechin. L’histoire d’une adolescente, comme les autres en apparence mais sorcière malgré elle. Elle a des pouvoirs dont elle ne veut pas et qu’elle doit maintenant apprendre à maîtriser.
Quand je lisais, les lieux et les visages m’apparaissaient clairement. Souvent, c’étaient des endroits que je connaissais, légèrement modifiées par l’histoire ; par exemple, la maison de Verte correspondait à ma maison de vacances, l’appartement du père était un immeuble de ma ville. La maison de sa grand-mère elle, ne me rappelait rien que j’aie connu, mais l’imagination que suscitait ce livre en moi était si forte que sept ans après je m’en souviens encore.
A force de lire, je m’identifiais beaucoup à ce personnage et faisais la nuit des rêves fantastiques où j’étais dans sa peau. Je me souviens précisément d’un de ces rêves où je me trouvais dans mon collège, cachée derrière une porte ouverte. J’avais si faim qu’en frottant mes mains l’une contre l’autre, je pouvais faire apparaître des petits sablés ronds que je partageais ensuite avec mes camarades. Dans ces rêves, les gens que je côtoyais avaient aussi des pouvoirs. Je les vivais si fort qu’au matin je me retrouvais toute troublée de les revoir tels qu’ils étaient en réalité.
Même quand je ne lisais pas, je ne m’ennuyais jamais : j’étais trop occupée à penser à l’histoire. Je devenais Verte, le temps de quelques instants, le temps de rêver encore un peu et de sortir de ce que j’étais ; banale, et soudain plus tant que ça.
Ma première expérience de lecture, par Anne-Klervi V.
Lorsque l’on évoque notre première expérience de lecture, mon plus ancien souvenir de ‘‘contact’’ avec un livre me revient. Ce n’était pas un ouvrage classique, c’est-à-dire un de ces petits trésors que l’on peut trouver partout dans une bibliothèque, mais un manuel pour apprendre à déchiffrer les lettres. Étonnamment, mon premier souvenir est scolaire, bien que je sois certaine d’avoir été en contact avec d’autres types d’œuvres auparavant. Peut-être étais-je trop jeune pour m’en rappeler. Car j’ai su lire tôt, manifestant mon désir de découvrir et apprivoiser ces drôles de traits fantaisistes que mon institutrice nous présentait avant même d’entrer à l’école primaire. J’ai eu l’opportunité de m’aventurer dans un autre univers dès que j’en ai exprimé le souhait, et je ne saurai jamais assez exprimer ma gratitude envers celles qui m’ont guidée.
Lorsque je suis entrée en CP, je savais assez bien lire. Quelques autres étaient dans le même cas, aussi étions-nous autorisés à lire pendant le temps dévolu à l’apprentissage pour le reste de la classe. Mais cela, je ne l’ai su que très récemment. Dans les images qui me reviennent, je ne me rappelle pas avoir eu la permission de délaisser les pages emplies des syllabes sans aucun sens du manuel pour aller m’aventurer à la fin de l’ouvrage. Car là se trouvait ce que je qualifierais de rêve éveillé : des extraits de textes ou de brèves histoires complètes dont je me délectais pendant une partie de l’année. À ces récits sont liés mes premiers souvenirs d’émotions fortes en lisant. Deux textes me reviennent en particulier : l’un était une partie d’un livre que je n’aurais pas pensé à lire à cet âge, en l’occurrence Pantagruel, et l’autre une histoire ayant pour protagoniste un bonhomme de neige. Au premier est associée de la joie, et je me demande comment j’ai pu ne pas m’esclaffer, oublieuse de mon studieux entourage, à la lecture des lignes relatant la naissance du géant. Il y a peu, j’étais encore convaincue qu’il s’agissait d’un extrait de Gargantua, mais le programme du baccalauréat m’ayant gracieusement éclairée sur ce point, je sais à présent qu’il s’agit bien de son fils. En lisant, je visualisais la scène où le nouveau-né insatiable parvient à se libérer des entraves le maintenant dans son berceau pour se jeter sur le banquet donné en son honneur. Et je ne cessais de parcourir à nouveau ces lignes, insatiable moi-même, puisant ma bonne humeur à la source des mots. Quant au second texte, je ressens encore ma tristesse d’enfant lorsque je l’avais lu. Il relatait l’ardent désir d’un bonhomme de neige d’aller se réchauffer auprès du poêle qu’il apercevait par la fenêtre de la maison. Et je découvrais en même temps que lui que la chaleur est fatale à la neige. Je crois me souvenir n’avoir lu cette histoire qu’une seule fois. Mais je revois encore vaguement l’illustration dans des tons froids et sombres.
Des autres textes découverts cette année, rien ne subsiste dans ma mémoire. Mais je suis sûre d’une chose : qu’ils n’aient été que des extraits ou au contraire des récits complets, peu m’importait, ils ont été mon initiation à l’univers subjuguant qu’est pour moi la lecture.
La lecture, par Lisa B.
« Bonne nuit ». Je suis couchée depuis déjà trois heures. Ma chambre est sombre. Seules la lumière de ma veilleuse et les lettres digitales de mon réveil scintillent. Minuit. Je passe par le rebord de ma fenêtre et me dirige à pas de loup vers le hamac du jardin. J’ouvre ce livre, je peux enfin me retrouver seule, m’évader. Au fur et à mesure de ma lecture, je me plonge dans l’univers merveilleux de Matilda. J’admire son intelligence, sa persévérance, sa passion pour la lecture et me retrouve plongée dans la salle, devant Mlle Candy. N’est-ce pas cette professeure de français que j’ai toujours adorée ?
Je me laisse emporter par les illustrations du conte. Mes yeux me piquent. Les lignes deviennent floues. Tout se mêle et se démêle dans ma tête. Un bruit. Une boule dans mon ventre. Mes parents ! Vont-ils encore venir me réprimander, m’interdire de lire tous ces classiques de la littérature que j’aime tant ? Ou Mlle Legourdin vient-elle me reprocher de me plonger dans ces livres, trop élaborés pour mon âge ? Je me retourne. Le vent pousse ma fenêtre qui s’ouvre et se ferme, claquant à chaque coup de vent.
Le jour se lève, les premières lueurs apparaissent. Quelle heure est-il ? Combien de temps ai-je lu ? Ai-je dormi ? Au loin, il me semble entendre le bruit du rasoir de mon père dans la salle de bain. Ne devait-on pourtant pas l’arrêter aujourd’hui ?
« Tu as dormi ici ? »
Je me retourne, ma mère me regarde avec un air interrogateur.
« Ta brioche et ton chocolat sont prêts. Papa arrive, il finit de se raser et nous rejoint à table. »
Source : ??